Le blog "Les fourmis ailées" a été sélectionné par

jeudi 27 août 2009

Lecture prévues


Peer Gynt d'Ibsen (pièce de théâtre)

Victoire de Conrad (roman)

La délicatesse de Foenkinos (roman)

"Inglourious Basterds" : le "Babel" de Tarentino



D’habitude, les billets, sur ce blog, concernent la littérature – un livre – ou, à la rigueur, un film adapté d’un récit (manque de bol : mon Week end à Zuydcoote, film d’Henri Verneil adapté d’un roman de Robert Merle, a été perdu lors d’une erreur de manipulation). Avec ce film de Tarentino, ce n’est pas le cas – à moins de valider la parution en BD dans le magazine Playboy… Et puis, à dire vrai, je voulais en parler.

On va voir ce film pour Brad Pitt, pour le côté western et parce qu’on boute des nazis jusqu’en Enfer… alors qu’en réalité le seul héros de cette histoire est le personnage joué par Christoph Waltz, lauréat à Cannes 2009 du Prix d’Interprétation Masculine, autrement dit : le colonel Hans Landa. « Le Chasseur de Juifs » est son surnom. Brrr… Vous frissonnez et, pourtant, vous n’êtes pas, mes lecteurs, forcément juifs. Le colonel Hans Landa est un grand pervers polyglotte, un être sadique que je qualifierais de machiavélique si je n’avais pas tant de respect pour les citoyens de Florence. Ses interrogatoires sont longs, minutieux, implacables. Ils sont stressants pour les juifs, pour les interrogés, et forcément pour le spectateur. Tous, nous ne sommes pas des nazis, aurait pu dire n’importe quel président américain, de préférence élu après les années 1930. Pendant de longues minutes, on attend, on se dit qu’il va trouver les juifs, arriver à ses fins, boucler son enquête, en espérant un sauvetage, une faille, un abandon. Va-t-il vraiment les avoir ?... Cela serait d'un suspense banal si 1) ce n’était pas un nazi 2) ce n’était pas un gosse qui s’amuse avec la vie des gens. Oui, résoudre une enquête, un casse-tête, ne prête pas à conséquence : j’avance mes pions à vue et je savoure votre défaite. Mais quel acteur ! Quel monstre de perversité… A tel point que le cœur s’accélère et reste à 120 pulsations minute, pendant quelques minutes.

Cet acteur, qui arrive toujours à ses fins, maîtrise les principales langues européennes. Et grâce à ces différents codes, il déjoue les plans de ses ennemis. Dieu tout puissant parmi les hommes, les autres, en fin de compte. Babel. Maîtriser la langue, c’est être le plus fort. Toute l’histoire est construite sur ces codes : mise en abyme du travail cinématographique de Quentin Tarentino lui-même, fait de clins d’œil et d’imitations. D'ailleurs, belle idée qu'un cinéma puisse détruire le Mal absolu, incarné - entre autres - au XX ème siècle par le III ème Reich. L'Art tient fermement sa part d'uchronie.


mercredi 26 août 2009

"La perfection du tir" : Mathias Enard



J’ai lu ce livre par défaut. Entendons-nous bien : je voulais lire du Mathias Enard, j’avais d’ailleurs acheté Zone à cet effet (belle tentative), mais ce dernier livre étant un volume fort épais (et ayant, pour cette raison, repoussé ma lecture des Bienveillantes de Jonathan Little jusqu’à ce jour), je me suis dit que je pourrais parler bientôt en société (…) de l’auteur de Zone, sans avoir lu Zone, grâce à La Perfection du tir. Nous y sommes.

Le narrateur de ce récit est un tireur hors-pair qui nous conte sa drôle de guerre. Car son pays est en guerre. Contre qui ? On ne sait pas. On sent la guerre civile. Et quand bien même ce ne serait pas, il faut bien se rendre compte qu’une guerre entre les Nations n’est qu’une guerre entre les citoyens du même monde. Et puis : la guerre ressemble à une autre, avec ses morts, ce bruit, ce sang, ces mutilations, cette fatalité permanente… Tout au plus suppute-t-on que cela se déroule au Moyen-Orient. On a vaguement l’impression de voir les images, les immeubles, les rues, les débris, de l’excellent métrage Valse avec Bachir. Parce que l’auteur connaît le persan et l’arabe, et a séjourné au Moyen-Orient (c’est la quatrième de couverture qui le dit). Parce qu’un des personnages se prénomme Myrna. Pour moi, ça sonne oriental. Oui, oui.

Un Combattant. Un tireur hors-pair. Un esthète :

"La meilleure heure, c’est l’aube. La lumière est parfaite, pas trop aveuglante, il n’y a pas de reflets. Les gens se lèvent dans un nouveau jour et se méfient moins. Ils oublient pendant une seconde ou deux que leur rue est en partie visible depuis nos immeubles. C’est à l’aube que j’ai fait certains de mes meilleurs tirs. Par exemple cette dame qui avait l’air toute joyeuse de sortir de chez elle, avec sa jolie robe et son panier. Je l’ai eue dans la nuque, elle est tombée d’un coup, comme une marionnette, les fils coupés. Ça c’était au début, les gens n’avaient pas encore l’habitude. Par la suite les tirs sont devenus des choses normales, on savait où passer, où se trouvait le danger. Tout comme si je contrôlais une partie de la ville."

Ce tireur, dont on ne connaîtra jamais l’identité, s’occupe de sa mère folle (autant qu’il en a le désir) et propose à Myrna, jeune fille de 15 ans, de l’aider dans cette œuvre filiale. Que croyez-vous qu’il arriva quand il aperçut à travers les volets sa féminité naissance ? Une histoire d’amour ? Vous êtes bien cruel... L’ère est à la guerre, à la violence, à la force. A la paix du snipper répond les tourments du désir, lui aussi sous l’emprise d’une volonté de puissance.

« Le plus important, c’est le souffle » est la première phrase du livre. Autant pour celui qui vise une cible et doit faire mat en un coup que pour le narrateur, dont l’histoire n’est authentique que parce que le rythme et ses pensées sont chevillés à cette volonté de faire corps avec les potentialités de son arme. Mathias Enard ne dit rien, il montre le chaos des hommes, un espace déchiqueté où même la vengeance perd sa signification. Il décrit un royaume de l’errance, lieu d’une déshumanisation éternelle, avec une poésie froide et un lyrisme brutal à faire détester la littérature. Et pourtant… Comme dirait Walter Benjamin : l'humanité est devenue assez étrangère à elle-même pour réussir à vivre sa propre destruction comme une jouissance esthétique de premier ordre ». Représenter parfaitement le mal, goûter à la perfection des tirs… Peut-être est-ce, paradoxalement, cette monumentalisation esthétique qui permet de ne pas sombrer dans la destruction la plus pérenne, car l’art, en général, et la littérature, en particulier, sont justement les lieux où le Mal dans toute sa splendeur trouve un ennemi propre à le contrer, et constitue le rappel vivant que la bonté et l’amour d’autrui reste le meilleur rempart contre la barbarie. Je ne sais pas ce que vaut Zone mais La perfection du tir est un récit très visuel de la vie d’un combattant, qui porte dans sa violence la marque d’un désir plus pur, que le présent ne laisse pas s’épanouir normalement, mais qui git bien là. Parce que « senti ».


Antonio Soler : l'étoffe d'un cauchemar



Quelqu'un en moi frappait à une porte depuis des années.
Les quatre coups du malheur.


seconde partie de la chronique sur ce livre (la première est ici)

La narration se fait sans fard sentimental, sans complaisance, la seule émotion qui nous vienne est la nôtre : la tristesse devant cette lucidité, devant cette cruauté - ou ce cynisme. Devant la réalité, quoi. « Nous savons ce que nous sommes. Nous sommes conscients de notre vulgarité et, dans le fond, nous n’avons pas beaucoup plus d’estime envers nous qu’envers les gens que nous croisons dans la rue, ces gens qui me regardaient dans l’autobus. » La réalité, oui. Et je ne résiste pas à citer à nouveau le texte dont les formules n’ont rien de surfait : « Je me dis que la réalité est un liquide, une substance non malléable, et je suis ma route. »

Ce flot de souvenirs - et cette histoire, dont le casus belli est celui d’une attaque d’une poudrière militaire sous Franco – est au fond, comme dans tout bon roman, dépassé par une question plus existentielle, par l’interrogation de la condition humaine. Antonio Soler nous retrace, en fin de compte, la vie de son personnage (l’enfant et sa mère, le jeune adulte et Maria, l’amant de Vera, le prisonnier, le marié sans amour, le veuf) et nous livre un récit d’apprentissage sans illusion : « j’ai appris à me démolir, à savoir qui je suis. » Ou encore : « ayant maintenant l’entière certitude de n’être personne. De n’avoir été personne. Ni maintenant, ni alors, jamais je n’ai été quelqu’un. »

Le narrateur est profondément matérialiste, ses nombreuses allusions à nos mille millions de cellules ou à notre organisme sont là pour poser la question de notre liberté, de notre volonté, et du hasard. De nos actes et de ce qu’on nomme trahison ou lâcheté. Du destin. Cette dernière question, centrale, est posée dès l’ouverture du récit, dans sa naissance même. Quelle « coïncidence », en effet, que cette situation : six mois avant de prendre sa retraite, le narrateur a l’opportunité de rencontrer son ennemi ! Ça tombe vraiment bien je trouve. Mais, là, aucun arbitraire à la Valéry (du style « la marquise sortir à cinq heures »), aucun subterfuge narratif, un simple événement qui pose justement cette question du hasard. Entendons-nous bien. Si Bielsa ne sait pas qui il va rencontrer, en réservant par Internet son hôtel de l’autre côté de l’Océan Atlantique, ce qui est intéressant d’examiner, c’est essentiellement ce que fera sa victime, après son identification. Un cadavre ? Peut-être. On parle bien d’un caïman dans le titre. Ce sommeil, ce serait tout à la fois ces trente années où Bielsa est absent dans la vie du narrateur et l’absence d’une vengeance possible. Mais qui est le caïman : celui qui attend de se venger ou celui qui arrive, enfin, pour permettre cette vengeance ? Le principe de la vengeance, rappelons-le, est de répondre au mal par le mal et met finalement, face à face, deux carnassiers. De plus, ces deux personnages qui ont connu la même femme (Vera – vous vous en doutiez), n’ont-ils pas commis dans le passé, au fond, les mêmes actes ? C’est une des subtilités du roman que de rendre universel ce qu’on croyait, au premier abord, uniquement dévolu à autrui…

Avec cette phrase très mallarméenne (« les dés lancés en l’air pouvaient retomber où bon leur semblait, voilà ce que j’ai ressenti, ce que j’ai vu ») se pose ainsi la question de l’innocence, de la responsabilité et de la punition. Que doit-on faire, et qui doit-on croire, dans un monde d’horreur et de sang où l’amour est « faux » ? Dans une interview, sur le site d’Evene.fr, Antonio Soler affirme que ce qui lui importe est « la capacité [des personnages] à questionner le destin, à résister et à se rebeller. Que l’on perde ou que l’on gagne, c’est lié au destin, à la fatalité. La capacité à se battre, c’est autre chose. »

Le sommeil du caïman est construit pour interroger nos actes et leur donner du sens. Refuser sa propre culpabilité, c’est refuser d’être responsable, c’est refuser à l’autre d’être responsable de nos blessures, c’est ne pas pouvoir se venger en conséquence… Cette vision cohérente de la chose semble, pourtant, plus être la mienne et celle du héros des Mains sales, de Sartre, que celle de notre vieux réceptionniste : « l’incohérence est la seule vérité possible », nous dit-il. Pas de règle, en somme.

En ce sens, le livre d’Antonio Soler est un livre humaniste. Il montre la misère - et la douleur - des hommes sans la juger. Il la décrit et la raconte avec application dans leurs trois cercles : intime, politique, métaphysique. Ce livre, placé sous le symbole du mercure, n’est ni nostalgique ni mélancolique. Il est d’une dureté poétique qui étonne et la douceur qui émane des faits, posés à rebours dans leur brutalité, pose à nouveau la question de l’homme face à sa douleur. Dans un monde amoral. Ce livre d’Antonio Soler n’est pas qu’un simple sommeil, c’est une rêverie noire aux souvenirs vaporeux, un « songe » sur la destinée humaine.


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Ce blog a décidé de s'associer à un projet ambitieux : chroniquer l'ensemble des sites de la rentrée littéraire ! Vous retrouverez donc aussi cette chronique sur le site Chroniques de la rentrée littéraire qui regroupe l'ensemble des chroniques réalisées dans le cadre de l'opération. Pour en savoir plus c'est ici.


"Le Sommeil du caïman", d'Antonio Soler



Ce blog a décidé de s'associer à un projet ambitieux : chroniquer l'ensemble des sites de la rentrée littéraire ! Vous retrouverez donc aussi cette chronique sur le site Chroniques de la rentrée littéraire qui regroupe l'ensemble des chroniques réalisées dans le cadre de l'opération. Pour en savoir plus c'est ici.

Antonio Soler est un romancier espagnol né en 1956, en pleine période du franquisme. Franquisme, de Franco (pour les plus jeunes). Franco, si, vous savez bien, virulent anti-communiste, et qui, de 1939 à 1975, a gouverné son pays d’une main de fer. Ceci ayant été éclairci, reprenons. Quelques livres ont suffi à Antonio Soler pour que ce natif de Malaga, au sud de la péninsule ibérique, devienne un des meilleurs écrivains contemporains. Comme quoi, on peut être prophète dans son pays. Prix Herralde de la literatura et prix de la critica en 1996 pour son troisième roman Les Danseuses mortes, prix Primavera en 1999, il obtient en 2004, à l’occasion du Chemin des Anglais, le prix Nadal, autrement dit : le prix Goncourt espagnol. Antonio Soler est un homme de prix. Sept livres, quatre prix – au moins. Et pour cette cinquième traduction chez Albin Michel, depuis 1999 et Les Héros de la frontière, on ne sera pas étonné de le voir récompensé en France. Le prix Médicis étranger, et pourquoi pas ? Bah, pourquoi celui-là et pas un autre ? Parce que Renaudot n’a rien d’un prince toscan.

— Mais il n’y a pas de prix Renaudot attribué à un roman étranger !

— Vous voyez donc bien que ce serait, en plus, absurde.

Dans ce nouveau roman publié en France et dont le titre espagnol est El sueño del caimán, le narrateur, réceptionniste de l’hôtel Regina à Toronto, au Canada (je précise), croit reconnaître dans l’identité d’un client l’homme qui a bouleversé sa vie : « Luis Bielsa. Il a un passeport espagnol. Il vit à Barcelone. Il est né en 1919. Soixante-seize ans. » Et du trouble à cette certitude, notre vieil homme en exil, dont on ne connaîtra jamais le nom (à moins d’une erreur d’inattention de notre part) va nous raconter et écrire sa vie, nous donner la raison qui l’a mené au Canada (« dans ce pays qui n’est ni le mien ni de celui de personne »). L’Espagne, Franco, les communistes, la prison, les oiseaux, l’amour, Eva, Luis et les autres. Autant d’événements que le néant n’avait pas encore pris, qui n’attendait qu’une occasion pour surgir, ombres fantastiques qui lui apparaissaient déjà, bien avant la venue de Luis Bielsa dans son hôtel, mais falotes, dans son petit tube de mercure, sorte de boule de cristal du passé. Le mercure, comme symbole de la mémoire, de ce qui est envoyé par-delà l’Océan Atlantique : l’odeur de sa jeunesse et des morts, de sa jeunesse morte et de sa jeune mort. Le mercure : et dire que c’est un des facteurs de la maladie d’Alzheimer. Contre point ironique ou gri-gri jusqu’au moment où le caïman accomplira ce qu’il doit effectuer ? Miroir apaisant, cependant. Anti-stress efficace : « Je révise des comptes sur ordinateur. Je révise ma vie aussi calmement, avec la même absence d’émotion. » Rien d’étonnant, peut-être : en sortant de ces neuf ans de prison, en sortant d’Espagne, il est allé nulle part, y est resté et s’est vidé du rien qui le constituait.

Ce récit est construit par l’entrelacement du présent et du passé. Les fils du passé surviennent, parfois nous surprennent, nous trompent, nous arrêtent. Travail du souvenir, de son surgissement. Se tisse alors l’histoire de cette trahison, tout doucement, par affleurement. Un peu comme une phrase qui reviendrait et à laquelle on ajouterait quelques mots, une sorte de cadavre exquis bien qu’un peu moins hasardeux, pour le coup. A vrai dire, au début du roman, c’est parfois difficile de lire des noms, des mots, et de ne pas savoir ce qu’ils signifient, à quoi ils renvoient. Cela peut décontenancer, mais la littérature n’est pas toujours linéaire et immédiate. C’est habile, en tout cas. Et cela montre bien ce qu’est un texte littéraire : un entrelacs de mots, un tissu, une construction d’où naît, peu à peu, du sens. La poésie naît alors bien souvent de ces refrains, de ces litanies, de ces obsessions. Elles se fixent dans ces phrases nominales qui suspendent la lecture, arrêtent les lecteurs. Pas d’émotion singulière, jamais, mais un choc esthétique, avec juste ce qu’il faut d’impulsion lyrique :

« J’ignore dans quelle partie du monde ils se trouvent, qui sont ces spectres. Mes souvenirs ou ce qui m’entoure, ce monde que j’ai sous les yeux. Une balle de fusil traversant l’eau. Bielsa. Bielsa est un pont entre ces îles, cet archipel à demi englouti qu’est mon passé et le présent, cette réalité. Ces fantômes. Je regarde le téléphone. Je me retiens. Ma main est une branche morte. Je ne soulève pas l’écouteur. Je ne veux pas l’entendre respirer. Je ne veux pas prononcer son nom, Bielsa, et lui parler d’une femme appelée Vera, d’hommes qui étaient morts en plein champ comme des oiseaux innocents, lui demander s’il se souvient de moi. Et lui dire que je ne suis pas mort. Lui dire mon nom. »


=> La seconde partie de la chronique est ici.

mardi 25 août 2009

Prix Roger-Nimier



Des livres primés, j’ai déjà lu : Cercle de Yannick Haenel (2008), La Dormeuse de Naples d’Adrien Goetz et Le Potentiel érotique de ma femme de David Foenkinos (2004 tous les deux), La Place de l’Etoile de Patrick Modiano (1968).


Voici les auteurs (et les livres) qui pourraient m’intéresser :


1963 : Jean Freustié pour La Passerelle

1966 : Clément Rosset pour Lettre sur les chimpanzés

1974 : François Weyergans pour Le Pitre

1978 : Érik Orsenna pour La Vie comme à Lausanne

1981 : Bernard Frank pour Solde

1982 : Jean Rolin pour Journal de Gand aux Aléoutiennes

1983 : Denis Tillinac pour L'Été anglais

1984 : Didier Van Cauwelaert pour Poisson d'amour

1990 : Éric Neuhoff pour Les Hanches de Lætitia

1992 : François Taillandier pour Les Nuits Racine

1995 : Dominique Noguez pour Les Martagons

1996 : Éric Holder pour En compagnie des femmes

1998 : Jérôme Garcin pour La Chute de cheval

1999 : Marc Dugain pour La Chambre des officiers

2006 : Christian Authier pour Les liens défaits

Willia Blake a écrit dans "Le Mariage du Ciel et de l'Enfer" :


L’homme s’est lui-même enfermé jusqu’à ne plus rien voir qu’à travers les fissures étroites de sa caverne.

lundi 24 août 2009

"Berlin Alexanderplatz", Alfred Döblin



Date de première publication : 1929
Date de la traduction de mon livre : 1970 (comprendre, pas celle-ci)

Lieu : Alexanderplatz, Berlin
Epoque : seconde moitié des années 20

Personnages : Franz Biberkopf, Lüders, Reinhold, la bande de Pums, Mimi
Fantômes : Ida et la prison de Tegel
Milieu social : Milieu berlinois, petits truands et prostituées

Métaphysique : destinée, Mal

Comparaisons traditionnelles : Ulysse de James Joyce, Voyage au bout de la nuit de Céline.

Narration : hors norme. Points de vue multiples, collage, désinvolture, interpellation.

Couleur : expressionniste

Gimmick : l'abattoir, les tramways


Eclat de rire :

Je te demande si tu ne vois pas qu'il y a suffisamment de chaises ? On dirait qu'ils t'ont oublié dans la baignoire, quand t'étais gosse et que t'es resté un peu échauffé depuis."

Jérôme Attal, "Le garçon qui dessinait des soleils noirs"



Jérôme Attal a écrit plusieurs livres. Celui-ci est son troisième. J'avais déjà lu le premier : L'Amoureux en lambeaux, que le BUZZ… avait largement chroniqué. Je l’avais bien apprécié, et je l’avais beaucoup corné. Tout simplement parce que ce qui était dit était très juste. Noir, dur, peut-être, lucide en tout cas. Et je préfère cette conscience âpre, quitte à se brûler l’âme. Façon de parler. Ceci dit, le titre de cet ouvrage, plus narcissique que Le Rouge et le bleu ou Journal fictif d’Andy Warhol, les deux autres livres de Jérôme Attal qui évoquent, eux, la culture artistique pop (le premier avec les Beatles), reprend une image qui m’est cher : « le soleil noir ». Bien sûr, on pense à Nerval et à la mélancolie, mais plus qu’à la tristesse, j’y vois cette idée de contempler en même temps le soleil et la mort. Souvenons-nous de cette phrase d’Héraclite : « le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face »… Essayons quand même, et mieux.

Le héros est donc un garçon qui, dans son enfance, dessinait des soleils noirs : Basile Green. Artiste, il connaît un certain succès sur les scènes musicales, puis il se rend compte que cette reconnaissance ne lui correspond plus. Vide de sens, versatile - tout aussi synonyme d’absence que ses rencontres amoureuses, bien réelles mais creuses. Le hante le fantôme d’Anika.

A ce récit de Basile et d’Anika s’ajoutent deux nouvelles : La nuit verte et La solitude exécutée. La première relate une soirée entre jeunes gens, la seconde les jours tumultueux d'une colonie de vacances.


Ce qui est toujours intéressant, c’est cette écriture à fleur de peau, à la pensée profondément sentie. Le thème est amoureux, le propos acéré. Il m’est venu une réflexion tout à l’heure sur la naïveté, sur l’idéalisme (voire l’angélisme), en tombant par hasard – je vous le jure – sur un blog dont les poèmes dégoulinaient. De la guimauve. Peut-on dire réellement que cette personne est c... à penser ainsi ? « Bien naïve ! » « Ridicule ! ». Ce que j’en pense, c’est qu’on ne peut lui jeter la pierre d’aimer ainsi (en plus, c'était un petit bébé de trois ans). Le tort serait simplement de ne pas ouvrir l’œil, comme l’indique Döblin dans son Berlin Alexanderplatz, quand on fait oeuvre de bonté. Il ne faut pas confondre aussi, à l'inverse, la lucidité et le laisser-aller. Ce qui me conduit à reprendre ma petite note sur Basile Green et ses avatars. Défendons la littérature de l’intime, en général. Et cette mélancolie-là, en particulier, parce qu’au fond, dans cette désespérance, il y a un horizon, pas illusoire, ni rêvé : réel. Parce qu’il est une force. Le soleil et la mort. Tout est là.

Ce qui caractérise l’écriture de Jérôme Attal, c’est justement ce côté vague à l’âme, mélange de références contemporaines et de termes surannés. En découle une certaine intemporalité. Le romantisme est peut-être éternel, finalement. Ces phrases sont bizarres, me suis-je dit, sans savoir pourquoi. Elles m’échappent. Je ne dis pas ça, uniquement, pour l’utilisation des virgules, qui parfois tardent à venir. Les images, certains mots. Enfin, ce n’est peut-être que mon ressenti. Mais le rythme est authentique. Peu importe qui parle, seul compte le rythme, et à travers lui : le souffle. Jérôme Attal est un écrivain en mode mineur et un véritable auteur. On attend de voir, cependant, si ce "roman des fins d'adolescence" sera suivi de romans où l'adolescence n'est plus une nostalgie.

Arnaud le Guilcher et la littérature du ventre



Stéphane Million publie ce livre du breton Arnaud Le Guilcher en octobre, mais on peut déjà le lire. Suffit de le demander. Enfin, faut le payer quand même.

La couverture du livre est éclatante, un rien rutilante... Belle composition ! Cependant, si vous tournez l'ouvrage pour lire la quatrième de couverture, c'est déjà plus agressif. Je parle du résumé (complet ?...) envoyé en rafale, 6 mots maximum par phrase nominale. Tac à tac à tac à tac à tac. Il y a une machine à écrire, une Remington Rand, sur le sable. Rien d'étonnant donc.

Ah oui ! Le pitch : « Emma. Un pélican à la con. Une station balnéaire aux Etats-Unis. Un allemand qui tourne. Une tribu de hippies crados. » (deux premières lignes de la quatrième de couv'…) C’est à dire : dans une station balnéaire aux Etats-Unis, Richard et sa femme Emma arrivent. C’est leur voyage de noce. Emma quitte les lieux - ou plutôt disparaît. Un Allemand tourne indéfiniment, pas très loin, car sa femme l’a également quitté. Grâce à elle, il est devenu le centre d’attraction du coin. Et des hippies arrivent dans ce petit coin de « paradis »… Mais vous aviez compris tout ça je pense.

Points positifs :

- foutraque (mais plus rock que dans les films de Kusturica)

- chapitres courts (tu parles d’un critère)

- des collages, des listes (++) qui dynamise la narration

- des loosers américains, des vrais, je ne sais pas pourquoi j’ai pensé à Very Bad Trip (le film) et Fantasia chez les Ploucs (le livre), de Charles Williams.

- de l’humour, mais qui manque d’incision (c’est pour la transition)


Points négatifs :

- la fin (bof mais mignonne ou mignonne mais bof)

- le langage familier avec lequel je ne suis pas assez familier.

Introspection :


Pourquoi est-ce que je fais la fine bouche avec le parler vulgaire de Richard, qui colle somme toute avec le personnage, voire avec sa classe sociale. Deux solutions. Ou je trouve que cette adéquation est caricaturale et pas sympa (bouh !) tout en ne me rendant pas compte qu’il n’y a que moi qui vois une adéquation réaliste (le « casse-toi, pauvre con » n’est pas le privilège des déclassés). Ou je le comprends trop bien pour qu’il ne me gêne pas... Chez Céline, chez Rabelais, chez Döblin, je le lis avec grand plaisir. Stéphane Million, à qui vous devez en partie le titre de cette chronique, m’a glissé dans sa « défense » ( synonyme d’explication) le nom de Simonin. Un petit tour sur Wikipedia. Je le connais, oui oui. J’y lis (allez-y) qu’il est connu pour la parlure très réaliste de ses voyous. Ça donne un air daté, paraît-il. Une certaine « distance » (à définir ») s’impose… C’est sans doute ce qui me manque dans En moins bien.

Objet littéraire non identifié : "L'Exposition" de Nathalie Léger



J'avais entendu Nathalie L. parler sur la Place de France Inter ou de France Culture, je ne sais plus (non, je n'ai pas dit sur la Place Rouge). Alors, comme ça, La Castiglione ( 1837-1899) fut la plus belle femme de son siècle ?... Et je n'étais pas au courant !... Un siècle lointain, certes, mais ce ne fut pas ça qui m'a marqué... Paraît-il que, finalement, quand elle l'a vue, elle ne l'a pas trouvée terrible. Affaire de goût. Mais peu importe, l'essentiel est de travailler sur La Castiglione et sur son désir d'être photographié - à l'heure de la photographie balbutiante (triomphante ?). Parce que la belle italienne se faisait photographier régulièrement...

Bon, ici, ce n'est pas un récit, ni un portrait, c'est étrange. Et c'est bien. Mais malheureusement, pour vous, je vous laisse ce lien de Pierre Assouline (qui en parle mieux que moi), je relirai cette oeuvre bientôt, un autre jour, et j'irai plus loin dans mon analyse. Texte résistant. Castiglione résistante. On a dû mal à régler l'objectif. Je vous mets en ligne un seul extrait de ce texte qui raconte les aléas du montage d'une exposition sur La Castiglione. A la recherche du "motif", en quelque sorte. Celui-là, que de mystères ! En tricotant des références "savantes" et des réflexions sur l'art de la photographie, il s'agit en fait d'une parabole sur le geste littéraire, dont David Foenkinos nous avait donné sa version (Qui se souvient de David Foenkinos ?) il y a quelques temps. Et comme écrire, c'est voir...

Ah oui, ma citation ! La voilà :

"C'est un maître ancien, un certain Domenico da Piacenza, qui en parle le premier vers 1425 dans son De arte saltandi et choreas ducendi. Le corps doit danser, dit-il, par fantasmata."

Mrs Dalloway" : une leçon d'écriture par Virginia Woolf



Ce qui est extraordinaire dans ce livre, c'est l'écriture. Ce qui est dit n'est pas resté dans ma mémoire. Bel occasion de le relire. C'est sans doute parce qu'il n'y a pas d'histoire, d'intrigue, que rien ne va causer "tort" à une situation donnée. Ces presque trois cent pages sont la narration d'une journée, des pensées de différents personnages. Un tissage de monologues intérieurs dont le centre serait Mrs Dalloway, cette femme qui organise une soirée. Ce qui est admirable, c'est le passage, fausse rupture, entre les personnages entre eux, le glissement d'une pensée à une autre. Du présent au passé. D'un lieu à un autre. Raccords sans fausse note. Cette virtuosité joue de pair dans ce livre avec le style lyrique et poétique, qui emporte le lecteur. Vers où ?... Dans l'intériorité et les méandres de l'amour, de l'hypocrisie, des concessions, des erreurs. Dans l'expérience d'une lucidité. Vaste plan séquence de notre humanité.

Honoré de Balzac a écrit dans "Le Cabinet des antiques" :


Il est aussi facile de rêver un livre qu'il est difficile de le faire.


"Chronique d’une disparition annoncée" : HORS CHAMP, Sylvie Germain


« Flou, brouillé, pas net, comme une photo tremblée, quoi »

Un dimanche matin, Aurélien, 49 ans, de mère polonaise et de père inconnu, se « réveille tout noué, une sensation de poids sur le plexus. Il porte les mains à sa poitrine, mais les écarte aussitôt, surpris par le contact d’un corps dur et froid. Un gros insecte, un crabe, une tortue… ? » Ce début résonne à mes oreilles comme les premières lignes de La Métamorphose de Kafka. Pourtant, rien de tel ici. Cette première frayeur n’est pas la bonne : Aurélien peut vaquer à ses occupations, sans problème. Enfin, presque, car sinon ce ne serait pas drôle. Déjà, la veille, la tringle de sa penderie avait lâché, la clenche de la porte des toilettes lui était restée dans la main et il avait repéré une grosse cloque au plafond. En ce dimanche : il se fâchera pour s’être levé si tardivement, se brûlera la langue et se passera de déjeuner, sera déçu de ne pas avoir sa petite amie Clotilde au téléphone et, en guise de coup de grâce, aura le déplaisir de voir flancher le disque dur de son ordinateur. Disque dur contenant le tapuscrit de son frère Joël, handicapé depuis une agression. Non, il n’avait pas cloné toutes ses données. En fait, il n’avait rien enregistré du tout : Aurélien est « un piètre e.hominien ». Et cette définition, qui ne manque pas d’humour, nous rappelle que ce fameux corps dur et froid qui l’a surpris, à son réveil, n’était qu’une visionneuse, contenant une série de reproductions de peintures préhistoriques…

Ces quelques tracasseries ne seront que le prélude de sa disparition progressive, puisque manifestement, dès le lundi, les passants ne le voient pas dans la rue et le bousculent, le bus ne le prend pas, ses collègues l’oublient sans arrêt, on lui pose un lapin au cinéma. Si le dimanche n’avait pas tenu ses promesses, le lundi lui semble alors tout simplement « inamical ».

Il en sera de même tout au long de la semaine, mécanique implacable et plus insupportable pour le lecteur que pour le personnage. Aurélien, en effet, justifie toujours ce qui lui arrive (ou qui ne lui arrive pas) : « cela doit être dû » est un gimmick. Si on ne le voit pas dans la rue, c’est en raison d’une distraction ou d’une désinvolture, si Clotilde délaisse sa couche de manière inhabituelle, c’est à cause des deux bébés de son amie dont il faut s’occuper, et si sa mère ne le reconnaît pas de suite au téléphone, c’est parce qu’elle devait dormir auparavant…

C’est un peu énervant, car je n’attendrais pas si longtemps pour paniquer… Aurélien rationalise, alors qu’il devient flou, perd son ombre. Il rationalise trop. Du coup, il y a un décalage entre le personnage et le lecteur. On est en avance, on a bien compris ce qui se passe, et le mérite de Sylvie Germain est de nous faire passer, quand même, par tout un tas de sentiments. En effet, si on avait trouvé vaguement ennuyeux ou, plutôt, « plat » le premier chapitre (le style poétique qu’on apprécie chez Sylvie Germain nous a, d’ailleurs, paru moins présent dans cet ouvrage), à partir du moment où le fantastique surgit le lundi, notre cœur s’est emballé. Parce qu’il faut bien le reconnaître : une avalanche de mésaventures a un arrière-goût de gag. Qu’un bus passe sous le nez d’Aurélien ou qu’il manque de boire une lotion pour acné pour se soulager de ses nausées, avouez que c’est plutôt drôle. Et puis comme il en rajoute naturellement, choisissant pour éviter les bousculades de louvoyer dans la rue, on se dit presque, en n’y croyant guère, que ce n’est pas du Sylvie Germain. Pourtant, du rire au tragique : il n’y a qu’un pas ! Car, à force, cette indifférence visuelle, olfactive, sonore, qui explique le titre du récit, nous agace, nous tape sur les nerfs, nous dérange, nous oppresse, on rit jaune. On s’exclame qu’on a en assez, on ne supporte pas. Quoi ? Ce livre ou ce qu’il nous dit ?...

L’habileté de Sylvie Germain est d’entrelacer des situations drôles à des sentiments plus noirs, de jouer de cette dédramatisation pour approfondir, ensuite, ce gouffre de l’inexistence qui s’est ouvert, mystérieusement, et où tombe Aurélien inéluctablement. Quoi de plus terrible que de sentir l’impatience d’Aurélien avant de voir Clotilde, gorgés que nous sommes des anecdotes à leur sujet, et de lire ensuite des scènes d’une grande cruauté. « Tu ne réponds à aucune de mes questions et tu ne cesses de t’esquiver » restera aussi sans réponse. Oui, l’habileté des contre points, ou des raccords de souvenirs, dans ce livre qui nous raconte sept jours de la vie d’un homme. Sept jours pour une rapide dissolution, quand il en a fallu sept, aussi, à Dieu pour construire le monde…

Le monde dans lequel vit Aurélien est parent de l’Atlantide. Autant parce que cette référence à la célèbre île engloutie est présente que par la critique, certes en filigrane, des e.books, mais qui ouvre tout à la fois le livre, précède l’histoire d’Aurélien, et symbolise la fureur et le bruit des hommes. Oui, l’Atlantide, les peintures rupestres, mais aussi L’Origine du monde de Gustave Courbet et les haïkus d’Issa, autant de discrets avertissements pour dénoncer l’oubli d’Aurélien, événément fantastique qui ne surgit, d’ailleurs, pas dans ce roman, puisque cette aspiration du néant était déjà présente dès le début, en fait. Dans ce premier chapitre qu’on jugeait, justement, « plat »… Avant son réveil.

Dans ce roman, le Mal n’existe pas dans sa brutalité, il est tapi dans l’indifférence sournoise, celle qui nous fait côtoyer les misérables, allongés sur des bancs ou par terre, dans une rame de métro. Au ban de la société. Il y a bien référence au grand-père polonais et au Mal de la seconde guerre mondiale, mais son importance tient moins un rôle dans d’histoire d’Aurélien qu’il ne procède d’un univers mythique, propre à Sylvie Germain. Cette référence, discrète, nous permet cependant de comprendre que Sylvie Germain, dans ce récit aux allures de conte, use d’une constante finesse pour nous dire qu’il n’y a pas de justification à cette Indifférence, qu’il ne peut y avoir même d’explication, tout en évitant la mièvrerie ou l’engagement matamore.

Cette absurdité kafkaïenne, qui voit Aurélien rejeté de la société des hommes, laisse pourtant des zones d’ombre, que d’autres lectures, soumises à la même lancinance, s’efforceront de combler. Cela tient sans doute à ce réalisme magique, que certains lecteurs trouveront bien fade mais dont la consistance diaphane est d’une douceur absurde, car drôle et tragique à la fois, et surtout au propos même du livre. L’indifférence est de ces événements dont la quotidienneté nous surprendra toujours, de ces situations inattendues que l’on ne comprendra pas. Hors champ a la délicatesse des tragédies raciniennes et la brutalité, peut-être, des films muets de Charlot le vagabond.

Chroniqué grâce à FLUCTUAT et pour FLUCTUAT

Un double-Nimier, s'il vous plaît.



Une histoire d’amour.

Quoi ?

Une histoire d’amour !

On a compris ! On n'est pas à la criée.

Je te le vends à la hussarde.

Hein !?

Je viens de l'acheter... Tout frais d'hier.

Mais tu l’avais déjà...