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vendredi 30 octobre 2009

Etrange


Pourquoi les étrangères sont-elles toujours plus belles ?

mercredi 28 octobre 2009

Cauchemar

Cette nuit, j’ai rêvé qu’une plage se vidait, peu à peu, mais tout de même assez rapidement. Des ombres noires fuyaient. Quoi ? Je n’en sais rien. Je tournais le dos, peut-être, à la catastrophe… Perplexe, je songeais à les suivre quand soudain (ça arrive toujours ainsi) un bruit d’outre-tombe me réveilla. C’était les ouvriers d’à côté. Il était 7 h 54. Je croyais qu’ils ne devaient travailler qu’à partir de 8 h… Juste au moment où ça devenait angoissant. Je vous jure…

"La délicatesse" ou l'histoire d'un baiser sans importance



L’héroïsme est peu de chose, le bonheur est plus difficile. Camus

Markus pensa : « C’est le plus beau lavage de mains de ma vie. » Et moi je dis que c’est pour ce genre de phrase que nous aimons définitivement les livres de David Foenkinos. Ce mélange de naïveté et d’humour nous enchante. Il participe à cette surprise permanente sentie à chaque lecture, à cette tendresse éprouvée pour les personnages dès son premier roman.

Dans son dernier livre, La délicatesse, encore en course pour le prix Interallié, on retrouve cette vivacité dans l’écriture, ce côté décalé qui nous fait parfois penser à Boris Vian. On se pose la question suivante : mais où va-t-il chercher ça ?... David Foenkinos est bon pour les résumés aux conséquences comiques, pour les mots d’esprits et les clin d’oeils, les sentences à propos de ses personnages à la vie si singulière, au caractère si prosaïque. Ces personnages n’ont en effet rien d’héroïque, ils sont tous de la trempe d’Hector, ratant son suicide dans le métro parisien… (Le potentiel érotique de ma femme : quel incipit !) Et pourtant, quel romanesque ! Quelle maladresse, quel désarroi ! Autant de tentatives pour dire, peut-être, l’atermoiement de nos directions, les nuances de nos vies. L’errance, d’une certaine manière, la quête d’une certitude.

J’ai lu tous les romans de David Foenkinos, et je trouvais que le précédent, Nos séparations, était le plus réussi. Pourquoi, je ne sais pas, si je l’ai su un jour. Il était peut-être plus réel que les autres, moins « loufoque », dans le ton comme dans l’histoire. Plus consistant et plus lisse. La délicatesse prend sa suite avec brio… Et accentue encore la courbe noire que l’auteur semble vouloir donner à son œuvre depuis quelques temps. Je trouve qu’il y est parvenu, alternant efficacement les passages drôles et les passages profonds, sérieux. Graves. Oui, dans ce roman, plusieurs pages sans sourire, plusieurs pages d’une vraie émotion. A la suite, s’il vous plaît. Que faut-il d’autre pour toucher le vrai qu’insérer la mort et le deuil ? Je ne crois pas que ce thème ait été abordé, auparavant. Pas frontalement, pas violemment. Bien sûr, la disparition d’une idée littéraire : mais on lui court après, on souhaite la retrouver (Qui se souvient de David Foenkinos ?) ; et puis on se quitte et on se retrouve, et on se quitte encore pour se retrouver une nouvelle fois (Nos séparations). Tout de même : le virage était pris depuis En cas de bonheur. Avec ce dernier livre, c’est différent. Tout l’enjeu est là. Le thème est bien sûr amoureux, mais le propos est plus grave : Nathalie perd son mari, François.

"Elle passait aussi à l’endroit où son mari avait été renversé. Où, courant en short, avec de la musique dans les oreilles, il avait traversé si maladroitement. Son ultime maladresse. Elle se mettait au bord de la chaussée, et observait le passage des voitures. Pourquoi ne se tuerait-elle pas au même endroit ? Pourquoi ne pas mélanger les traces de leurs sangs dans une union morbide ? Elle restait longtemps, sans savoir quoi faire, des larmes dérapant sur son visage. C’était surtout dans les premiers temps, après l’enterrement, qu’elle revient à cet endroit. Elle ne savait pas pourquoi elle avait besoin de se faire si mal. C’était absurde d’être là, absurde de vouloir rendre ainsi concrète la mort de son mari. Peut-être qu’au fond il s’agissait de la seule solution ? Sait-on comment survivre à un tel drame ?"

L’extrait est un peu long, mais il se termine comme il faut. Par l’inscription de la tragédie et de ses conséquences dans la vie de Nathalie. Toute l’habileté de l’auteur consiste à traiter avec beaucoup de douceur ce deuil, de le laisser exister, et de faire exister encore le disparu, lui conservant sa place, lui laissant sa valeur. Premier signe de cette délicatesse, promise par le titre… Qu'appelle-t-on "le bon moment" ?...

Il est toujours difficile de parler d’un livre de manière approfondie sans trop le dévoiler, aussi suis-je bien content de voir sur la quatrième de couverture : « C’est l’histoire d’une femme qui va être surprise par un homme. Réellement surprise. » Et cet homme, c’est Markus, un suédois, tout sauf grossier. Délicat plutôt que vulgaire… En même temps, cette quatrième de couverture nous laisse supposer que la surprise sera bonne et durera jusqu’à la dernière ligne. Non, David Foenkinos est toujours dans le happy end. A quoi vous attendez-vous ? L’essentiel est de surcroît ailleurs, dans le chemin, dans cette maturation, dont l’impalpable a cette grâce et ce charme qui rendent ce roman touchant. Touchant sans effusion. D’un beau mauve.

Ce qui nous touche, c’est l’apparition des sentiments, leurs circonvolutions. On glisse d’un personnage à un autre, on accède à leurs pensées, on suit leur immersion. On assiste à l’éclosion du désir, soumise parfois à l’illusion, aux nécessaires et laborieuses actions de la conquête. Si David Foenkinos met en avant la surprise, il lui laisse le temps de se déployer, de rosir sa corolle. L’éloge du temps, peut-être. C'est ça, une certaine mélancolie, un ralentissement. Prendre du temps, son temps, le temps qu'il faut. Acquérir de l'épaisseur, de la consistance après le drame. Ne pas mettre une main trop rapidement sur un genou, en somme.

Et je me souviens de l’épigraphe du roman : « Je ne saurais me réconcilier avec les choses, chaque instant dût-il s’arracher au temps pour me donner un baiser. » Et je pense encore à Camus, dans Lettres à un ami allemand : « Le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle qu'on fait contre le destin qui nous est imposé. » La vie, en dépit de ses arrêts ou de ses errances, n’a qu’une seule direction. Il faut se faire philosophe.

A chaque roman, on avait l’habitude d’avoir des clins d’oeils aux romans antérieurs. Ici, à côté de ces listes qui cassent et complètent la narration de manière rafraîchissante (« Distance entre Paris et Moscou », « Exemples de dictons ridicules que les gens adorent répéter », « Extrait de la posologie du Guronsan »…), on retrouve Genève, les pieds, la molesse, les deux Polonais… Mais nos Polonais sont, soulignons-le, deux philosophes et l’attrait de la Suisse est remplacé par la Suède. Est-ce à dire que la neutralité disparaît au profit d’une certaine rudesse, contre laquelle la délicatesse s’essayera ? Rudesse du climat, absurdité de la mort… l’histoire de ces vies n’apparaît-elle pas aussi concrètement que nous sont contemporaines les références aux atermoiements du PS en 2008, par exemple ?...

Il y aurait beaucoup à dire, sans doute, sur cet ouvrage, mais je n’ai que trop glosé. Je ne souhaite garder que cette couleur et ce titre. Et la chaleur de l’histoire de Nathalie et Markus…

Pour toutes ces raisons, je ne vois aucune objection à ce que ce livre obtienne le prix Interallié. Et puis, comme un livre sur deux (publiés chez Gallimard) voit David Foenkinos primé et que celui-ci est son sixième, l’affaire semble donc arithmétiquement entendue. Une bonne chose de réglée.

lundi 26 octobre 2009

Bergerie (5)


— Merci.

— De quoi ?

— De rien.

Ah oui !


"Victoire" , écrit par Conrad



Dans ce roman assez long : une île. Et sur cette île, un homme : Axel Heyst. Entre faux roman aventure et vrai récit métaphysique. Le Bien, le Mal, l’Homme, tout ça dit grâce à un éclatement narratif, très impressionnant, et des portraits très fouillés. Cependant, ces personnages bien campés ont tout de même leur mystère, et le lecteur est de plus en plus tenu en haleine par ces glissements, ses surprises narratives qui sont aussi celles de l’être humain. Un gentleman ne peut que lire un tel livre.


dimanche 25 octobre 2009

Albert Camus a écrit dans "L"Homme révolté" :

Ce n’est pas la révolte en elle-même qui est noble, mais ce qu’elle exige.

"Ciels", de Wajdi Mouawad



Effectivement, la dernière pièce de cette tétralogie est bien différente de Sang des promesses. Tant dans le propos que dans la forme. Cinq personnes, enfermées et isolées, essayent de faire échouer une attaque de grande ampleur, une attaque terroriste. Qui ? Contre quoi ? On ne sait pas, on n’en sait rien. Et celui qui savait est mort, en est mort. Et les spectateurs enfermés dans un cube assistent à l’enquête de ces personnages, rencontrent le Tintoret.

Un huit-clos, dont l’absurdité n’est pas l’homme mais ce qu’il a produit. La guerre. La guerre, dans laquelle nous baignons, avec ces flots d’images et ces bruits de bombardement. Cette guerre que je n’ai pas connue, mais qui arrivera bien un jour, à nouveau.

On ne peut pas dire plus, car toute la pièce est là, dans cette enquête et dans cette aversion. Là encore, il ne faut pas la voir, il faut prendre cette pièce avec soi, et ressasser jusqu’à l’éveil. L’art, l’art, toujours l’art. La seule arme sans doute, l’arme où se loge, en derniers recours, ce qu’il nous reste d’humanité.



"Le Sang des promesses", Wajdi Mouawad



Je me demande tout de même l’effet qu’a dû produire Le Sang des promesses à Avignon. Tous les avis sont unanimes, mais ils ne suffiront pas à décrire ce qui fut ressenti. On peut vaguement le pressentir, en avoir peur, après avoir assisté à la trilogie, de Littoral à Forêts, dans la même journée. Car Wajdi Mouawad est un grand metteur en scène et un grand auteur. Un homme de théâtre qui nous parle de nous, de nos guerres et de nos espoirs, en mêlant étroitement l’intime et l’universalité, comme Shakespeare ou Racine. Un grand, vous dis-je.

A vrai dire, ses pièces demandent le recueillement. Applaudir ? Oui, c’est sûr, mais après, ensuite. Ne pas retourner à cette réalité, tout de suite, ne pas considérer ces pièces comme un spectacle. Pour juste revenir à la réalité, empli d’une force et d’une conscience plus accrue de notre monde. Car Wajdi Mouawad nous parle du monde, de nos destins, de nos liens, de nos liens brisés, de ces liens qu’on porte et qu’on transmet à notre tour, déchirures sans cesses recousues. La guerre ? Laquelle ? Une : celle du Liban, celle du Moyen-orient, celle du Vingtième siècle. Celle des hommes entre eux. Longue chaîne ininterrompue qui a à elle-même sa propre histoire.

L’art pour dire et contrer cette volonté de guerre. Pour dire de manière aussi effroyable et si belle ce qu’elle est. Jets de couleur, de peinture, du rouge, du vert, du bleu, des lianes, des monstres, une vanité, l’amour. Du rire, parce que la vie est ainsi faite. Le rire et la joie ne sont là que pour mieux dire les tragédies et les ratés. Et permettre un choc esthétique renouvelé sans cesse et dont la résonance n’aura pas de fin. Il est des rencontres qui tombent à point nommé. Celle-ci aurait eu lieu, de toute manière. Rater un seul de ses futurs spectacles ne me semble pas envisageable. Et les voir ne suffiront pas à pouvoir les dire, car comment faire le tri raisonné, ensuite, de ce qui vibre et s’étend et se propage encore.

"Richard III", Shakespeare et F. Parmentier


Richard III, Shakespeare, mise en scène de François Parmentier


Cela faisait bien longtemps que je souhaitais voir un Shakespeare sur une scène de théâtre. Pour ce qui est des films, j’ai déjà donné… Alors cette soirée promettait. Un drame historique et cette suppliante : « Un cheval ! Mon royaume pour un cheval ! » Je piaffais d’impatience.

Pourtant, le choc n’allait pas être complètement au rendez-vous. Premièrement, parce que j’étais parti en retard de chez moi. Deuxièmement, parce que j’étais fatigué. Ma tête avait une forte tendance à ne pas vouloir rester droite, et fière, au dessus de mes épaules…

Heureusement que j’avais quelques rudiments en matière de guerre intestine et anglaise. Les York, les Lancastre, la guerre des Deux-Roses… je ne fus pas si perdu que ça, même si les meurtres se sont enchaînés et que le tourbillon emporta le reste de ma raison… En même temps, pour dire la folie des hommes et la haine d’un homme en particulier, on ne peut faire mieux que de « bousculer » le spectateur. Voire de le perdre. Qui est qui ? Fi donc ! Mauvaise question. Des vivants en sursis. Les morts se ressemblent tous.

Richard de Gloucester, l’homme laid qui se promet d’être roi, intrigue en effet à merveille et abat, l’un après l’autre, ses opposants, dont les portraits géants le surplombent au fur et à mesure des assassinats. Comme une épée de Damoclès, le signe d’une vengeance à venir, des fantômes. Qui verse le sang verra son sang couler à son tour.

Ce dispositif est très impressionnant, il rejoint dans sa narration les figurines en deux dimensions qui représentent les protagonistes de l’Histoire et qui traversent la scène. Un peu comme des pantins, comme des marionnettes, des jouets. Peut-être aussi comme les figures d’un échiquier.

Entre ces deux espaces (le devant de la scène et le rideau), se tient un pavement rouge et blanc, couleur des deux familles royales… et s’ajoutent des blocs gris, constituant tour à tour le trône, le cimetière, la table.

Il y a eu de beaux moments de poésie, de beaux tableaux, avec les couleurs, les ralentis, mis en valeur grâce à deux musiciens baroco-électriques ; et le personnage de Richard, que je trouvais brouillon et emprunté, prend peu à peu de la consistance. Il s’ajuste. Sa perfidie nous le montre toujours fragile et quand sa volonté de grandeur se réalise enfin, l’absurdité de sa geste éclate avec sa peur de mourir. Tout ça pour ça. Un grand final.


dimanche 11 octobre 2009

Pierre Loti a écrit dans "Le Roman d'un enfant" :


On a avancé que les gens doués pour bien peindre (avec des couleurs ou avec des mots) sont probablement des espèces de demi-aveugles, qui vivent d'habitude dans une pénombre, dans un brouillard lunaire, le regard tourné en dedans, et qui alors, quand par hasard ils voient, sont impressionnés dix fois plus vivement que les autres hommes. Cela me semble un peu paradoxal. Mais il est certain que la pénombre dispose à mieux voir ; comme dans les panoramas, par exemple, cette obscurité des vestibules qui prépare si bien au grand trompe-l'oeil final.

Philippe Toussaint : "La vérité sur Marie"


La vérité, c’est surtout que j’ai lu ce roman il y a plus d’un mois, que trois scènes structurent ce livre, que tout se dit entre les lignes, que l’écriture est limpide et somptueuse à la fois. Qu’il faudrait que je lise, à nouveau, le deuxième livre de ce cycle, et que je lise le premier. Cela tombe bien : Faire l’amour se trouve dans ma PAL (il faut bien être moderne, vous êtes en train de lire un blog…), en raison d’un tout récent achat.

Il me vient l’idée d’écrire une vraie chronique sur ce cycle marial. Mais pour l’instant, je souhaite me pencher sur deux livres des Editions de Minuit :

- Cutter, d’Yves Ravey

- Coup de foudre, d’Eric Laurrent


Si jamais je suis motivé, j’irai à la rencontre de Jean-Philippe Toussaint, courant novembre. Il y a des hommes que le vent d’ouest accueille… .. .


Roger Nimier et son "D'Artagnan amoureux"



Petit à petit, j’épuise la liste des livres de Roger Nimier qu’il me reste à parcourir . Juste avant sa biographie, publié aux Editions de La Table Ronde et écrite par Olivier Frébourg, j’ai lu son D’Artagnan amoureux. A vrai dire, c’est du pur divertissement. La mélancolie vingtiémiste disparaît derrière le jeu de la reprise, dans la rencontre de D’Artagnan avec les grands personnages du XVII ème siècle. Le traitement est burlesque, et jamais je ne fus « touché » par le désespoir de d’Artagnan, pourtant soumis à des forces qui - forcément - le dépassent. Il se débat, et peine – on n’y croit guère. L’intérêt n’est sans doute pas là. Ultima desinvoltura.