Le blog "Les fourmis ailées" a été sélectionné par

vendredi 18 décembre 2009

Arto Paasilinna a écrit dans "Petits suicides entre amis" :


Se faire entretenir, même somptueusement, n'était pas considéré en France comme une juste rétribution pour la vente de son corps, mais comme une pratique tout à fait ordinaire.

mercredi 16 décembre 2009

B.


Noirs Rouge
Des papillons
A la place des cils.

mardi 15 décembre 2009

"Les Peupliers effervescents" ou le trouble de la création, Philippe Paulino



Ce blog a décidé de s'associer à un projet ambitieux : chroniquer l'ensemble des sites de la rentrée littéraire ! Vous retrouverez donc aussi cette chronique sur le site Chroniques de la rentrée littéraire qui regroupe l'ensemble des chroniques réalisées dans le cadre de l'opération. Pour en savoir plus c'est ici.


Les Peupliers effervescents. C’est un beau titre et la première de couverture de ce livre, publié par la maison d’éditions L’Age d’Homme, est ornée d’un tout aussi beau dessin de Pier Francesco Mola : L’Ange apparaissant à Agar et Ismaël. Son auteur, Philippe Paulino est psychiatre de formation, ce qu’il n’est pas inutile de savoir et qui semble évident à la lecture de ce premier roman. A vrai dire, ce jeune auteur n’est pas si jeune. Premièrement, parce qu’il est né en 1954. Deuxièmement, parce qu’il a publié des poèmes dans les années 1970… et a joué dans des pièces de théâtre comme, si on fait confiance à Wikipedia, La Ville dont le prince est un enfant de Montherlant. La création, il connaît.

Les Peupliers effervescents est un récit trouble, qui m’a laissé dans la confusion. En premier lieu parce que la narration est multiple et qu’elle reste énigmatique. Oh ! Bien sûr, on a bien compris que le personnage principal, Gabriel, est le fil rouge, pour ne pas dire « directeur » de ce roman. Il doit faire convoyer sa carlingue de Super-Constellation et il attend Lisa. Bon, évidemment, on a Gabriel, on a la grotte, viendra bientôt la référence des trois rois mages. Si l’Annonciation et l’avènement de Jésus n’ont pas maille à l’affaire, c’est à n’y rien comprendre. Non, le plus dérangeant est cette notion ou ce « concept » de dispositif, véritable gimmick du roman, dont le côté construit, posé et contraignant m’a parfois échappé. Tout simplement parce qu’un « dispositif » tend à un résultat, n’est qu’une élaboration afin de capturer, de saisir. Et que je n’avais jamais considéré la vie sous cet angle, comme un immense réseau de dispositifs, géré par des artificiers : dans le but de jouir d’une beauté quelconque, non pas banale cependant, mais à chaque fois unique, car - peut-être - insaisissable ou « surprenante ». Créer un dispositif serait, somme toute, se tendre un piège, mais un piège qui n’aurait rien d’un piège. Un filet à papillons, en quelque sorte. Il n’est pas étonnant de lire « ce qui reste du dispositif précédant, c’est l’ignorance de Lisa face à ce qui l’attend » ou « le Noir conçoit le dispositif comme un rite », tout en considérant que ce dispositif « c’est un rite mais c’est autre chose qu’un rite, et probablement beaucoup plus important qu’un rite. » On a l’intuition d’un Sacré, Sacré qui a besoin d’un corps, d’un dispositif dans lequel il se coule et existe et qu’il dépasse sans pour autant craquer les coutures.

Ceci compris, laissons-nous porter par les histoires, celles qui mettent en jeu des dispositifs, des artistes, des créateurs, des découvreurs.

1) Marcel Duchamp et son Grand verre.

2) Thérèse dont la rencontre avec le Marcello de La Dolce Vita lui fera penser « le plus important est ailleurs et le plus important est à venir. »

3) le photographe Clérambault dont les photos ne promettent pas tant un catalogue vestimentaire, au propos sociologique, mais plus essentiellement la compréhension d’un langage, d’un Verbe incarné dans un drapé, une courbe, une contre courbe, calligraphie arabe qui supplée le silence des bédouins. Il s’agit de voir l’Invisible.

4) Jean de Delft qui annonce à sa femme qu’il peindra ce qu’on ne voit pas.

5) François, Olivier et la captation du « son pur », dont la vibration dépend de la « généalogie du lieu ».

6) Gil Eanes, le navigateur portugais.

Evidemment, tous ces récits, qui reviennent et se croisent, fonctionnent ensemble, permettent au roman de Philippe Paulino d’exister, de mettre à jour l’à-peu-près des créateurs et leurs non-dits, pour se rejoindre enfin, par-delà les époques, dans le départ de Lisa.

Ce qu’il y a entre les lignes est sans doute l’essentiel, ce qui se dévoile en se cachant, ce qui se cache en se montrant… Ce qui est, dans le tourbillon, déplacé et affleure à la surface de l’eau, mouvance rapide et non maîtrisée. Ouvert, comme l’est Le Grand verre pour Octavio Paz qui compare cette œuvre à la poétique de Mallarmé : « Sagesse et liberté, vide et indifférence se résolvent en un mot : pureté. Une chose que l’on ne recherche pas, qui surgit spontanément après qu’on est passé par certaines expériences ; la pureté est ce qui reste après tous les comptes, toutes les additions et les soustractions. Igitur se termine par ces mots : Le Néant parti, reste le château de la pureté. » (« Le château de la pureté », in Marcel Duchamp : l’Apparence mise à nu)

Lacan, cité dans l’exergue, ne nous dira pas autre chose : « l’essentiel du langage n’a jamais été la fonction de communication. » Et sa référence (puisque Lacan, disciple de Clérambault, est un personnage du roman) à L’Origine du monde de Courbet n’est pas anodine.

Les Peupliers effervescents est un roman éclaté et un peu « abstrait », volontiers élitiste. Nous apprécions ses références savantes, mais nous conseillons de le lire en étant en pleine forme, afin de mieux comprendre le rôle de Gabriel et de la « Compagnie ». C’est un roman qui nous conte, une nouvelle fois, l’Art et son avènement : son degré d’incertitude, le rapport du créateur à sa Création. Peuplier effervescent…