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samedi 25 juillet 2009

En avant la musique !


(la plus ancienne des reproductions de la légende allemande)

Qu’est-ce qui peut rapprocher Soudain dans la forêt profonde de l’israélien Amos Oz et Le libraire de Sélinonte de l’italien Roberto Vecchioni ? Que ces auteurs ne sont pas français et que ses ouvrages sont des traductions. C’est une idée. Mais ça ne suffit pas. Non, en fait, ce qui les unit est la légende allemande, rapportée par Goethe et par les frères Grimm : Le Joueur de flûte de Hamelin. Souvenez-vous : un fifre, grâce à sa flûte, enlève des enfants parce qu’il n’a pas été payé par la ville alors que cette même flûte les avait sauvés des rats, de la Peste, et donc de la mort. Disons-le comme ça.


Ces deux livres fonctionnent de la même façon. Il s’agit de deux communautés : un village au bout du monde et Sélinonte, délimité par deux rivières. Et, dans ces deux lieux, il n’y a plus d’animaux ou plus de livres. Dans le village, c’est Nehi le démon qui les a amenés dans la montagne. A Sélinonte, il y avait pourtant un libraire…






Ces deux ouvrages sont des contes, merveilleux pour Amos Oz et fantastique pour Roberto Vecchioni. Le premier est à destination des jeunes, le second proposé aux adultes. Mais peu importe cette dernière différence, la stratégie est la même : les héros sont de jeunes enfants, comme pour signifier que cette génération, qui n’a pas d’animaux ou de livres, est celle qui vivra et construira notre monde. Que c’est aussi ce monde-là que nous leur laissons : un monde d’injustice et de violence, un monde privé de sens, puisque privé de mots et de nuances. Allez, c’est un discours convenu, me dit-on, mais la banalité du mal ne peut être évacuée par cette simple observation. J’ai regardé la date de publication de ces deux ouvrages : 2004/2005. C’est une coïncidence, mais cela me saisit... même si cela ne m’étonne pas.

La légende allemande nous parlait d’un contrat rompu et d’un avenir compromis. D’une parole donnée et reprise, d’un échange rompu. Il ne tient qu’à nous de renouveler le pacte, que la littérature - et plus largement la culture - ne cesse de proposer : celui qui nous donne accès à notre humanité. Etrangement, ces deux livres font référence à ce qui nous constitue : le règne animal et le langage. Avec une seule disparition, on pourrait se demander ce qu’on devient. Avec ces deux disparitions, on peut être sûr que nous ne sommes plus rien.


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