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dimanche 31 octobre 2010



Herta Müller. 23 livres. 4 récits traduits en langue française. 2 seulement traduits avant son prix Nobel.

Je ne suis pas très « prix ». Mais je demande à connaître les raisons d’un tel autisme...

On ne peut, en retour, guère s’étonner du peu d’auteurs français traduits à l’étranger.

Bon, après avoir lu L’homme est un grand faisan sur terre et feuilleté Le renard était déjà le chasseur (ce n’est qu’une question de jours pour sa lecture), j’avais décidé de lire La bascule du souffle, espérant retrouver cette parole poétique, ce choc esthétique, ce laconisme énigmatique. Peut-être qu’un grand écrivain est celui qui sait utiliser ses mots – et juste ceux qui sont nécessaires. Le grand écrivain est peut-être aussi celui qui sait dire la Guerre et son horreur, son pendant d’humanité. Ce qui reste. Peut-être le grand écrivain est-il le pendant du grand homme, celui qui ne vit pas en temps de paix.

Au début, j’ai été un peu circonspect, au lieu d’un récit, d’une « aventure » : départ de Léopold dans le camp russe, car tel était le destin de nombre de germanophones roumains, je me suis heurté aux entrées de dictionnaire : « Belle-dame », « Ciment», «société interlope », « Bois et ouate », « Epoque palpitante », « Rouler », « Des gens stricts »… Non, ce n’était pas seulement des titres de chapitres, mais bien des titres d’articles expliquant la vie au camp.

Une vie au camp, au prise avec l’ange de la faim.

Et puis à force d’échos, et de poésie, d’animation de ce qui n’est pas humain, le rythme lancinant gagne ce que l’émotion a peut-être de plus vrai, de plus sincère. La réalité, nue, avec juste ce qu’il faut pour l’effleurer.

C’était le temps de la peau sur les os, et celui, éternel, de la soupe aux choux. De la kapousta le matin au réveil, de la kapousta le soir après l’appel. KAPOUSTA, c’est le chou en russe et celui d’une soupe qui, souvent, n’en contient pas. En dehors du russe et de la soupe, kapousta est un mot composé de deux choses qui n’ont rien de commun, sauf le terme en question. CAP, c’est la tête, en roumain, et PUSZTA la plaine hongroise. On se dit ça en allemand, et le camp est russe comme la soupe aux choux. On veut faire le malin avec ces trucs insensés, or KAPOUSTA, une fois décomposé ne saurait être un mot de la faim. Les mots de la faim sont une carte géographique dont les pays ont des noms culinaires qu’on dit dans sa tête. Soupe des jours de fêtes, hachis, côtelettes, jambonneau, rôti de lièvre, quenelles au foie, cuissot de chevreuil, lièvre à l’aigre-douce, et caetera.

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