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mardi 28 avril 2009

Florian Zeller : éducation sentimentale



Cette critique des deux premiers romans de Florian Zeller a été publiée sur BUZZ... littéraire, en 2008, après avoir été une première fois écrite en 2006. Je changerais maintenant bien quelques formulations, sans doute parce qu'elles semblent naïvement exaltées et qu'elles prêtent plus à tirer à boulets rouges sur cet auteur ; mais, non, ne changeons rien, et attendons juste son nouveau roman, prévu pour cette année 2009. La lumineuse Laetitia Casta, dans sa dernière pièce Elle T'attend, nous a, après Catherine Frot dans Si tu mourais, indiqué que le drame était au coeur de ses créations, mais nous aimons bien lire et assister à ses spectacles dans un fauteuil. Aussi.

"On lit beaucoup de choses sur cet auteur, tout et n'importe quoi. L'article qui suit concerne ses deux premiers romans. Avec le recul du temps (bientôt deux ans), je ne crois pas que la tension de ces romans soit retombée, que leur acuité ne soit plus d'actualité, que ces écrits ne résistent pas au pilon de la postérité. Ces quelques mots sont extraits d'un post sur la feue revue en ligne LE VIOLON D'INGRES. J'avais aussi commencé un blog sur les prix littéraires mais me lancer tout seul dans cette entreprise m'a démotivé en fait... Florian Zeller. 27 ans. Quatre romans (Neiges artificielles, Les amants du n’importe quoi, La Fascination du pire, Julien Parme). Trois pièces de théâtre (L’Autre, Le Manège, Si tu mourais). Prix de la Fondation Lagardère pour Neiges artificielles ; Prix Prince Pierre de Monaco pour Les amants du n'importe quoi ; Prix Interallié 2004 pour La Fascination du pire.

“A l’absurdité du monde, je voudrais répondre par sa beauté.” “A sa beauté correspond l’émerveillement permanent.” Ces deux phrases du Prologue de Neiges artificielles donnent la tonalité du premier roman (2002) de Florian Zeller. Dans celui-ci, le narrateur-personnage déambule dans Paris (et dans sa vie) à la “recherche” d’une ancienne petite amie, prénommée Lou. Ce personnage, à l’attitude don juanesque (“Je suis de la génération des assassins. De ceux qui, à l’arrivée du Printemps, ont oublié les raisons de s’émouvoir”), nous raconte sa vie et son désespoir. A cette question de Shakespeare “Que devient la blancheur quand la neige a fondu ?” répond “Un peu après, la neige a fondu, et une boue épaisse a recouvert la ville”. La boue comme unique réalité. Comme ultime poésie dans un monde dont les principes récusent le sentiment amoureux. Si un certain romantisme perce sous les propos, c’est avant tout pour faire état de quelque chose qui n’est plus, quand “tout était simple et doux”. Le désir est en prise avec la réalité. Et il est difficile de dire “Je suis un adulte”. PAN.
Dans Les amants du n’importe quoi, le lecteur suit le chemin sinueux d’un jeune homme, don juan (“En général, Tristan tombait amoureux à chaque fois qu’il traversait le trottoir”), qui peine à quitter celle qui l’aime et qu’il n’aime pas (ou plus). Ce second roman est plus dense que le premier en raison de ces retours en arrière. Il se veut d’une certaine manière plus structuré, grâce au désamour de Tristan et à la nécessaire prise de décision de ce dernier. Quittera ? Quittera pas ? Si l’on ne peut éviter de penser à l'Adolphe de Benjamin Constant, ce personnage est différent car il avoue sa fragilité, qui est sans doute celui de tous les hommes, comme il avoue aussi son incapacité à renoncer (c’est le mythe de la parousie). A renoncer à soi.

Certains disent que le style de Florian Zeller n’est pas fameux... Je dirais plutôt qu’il est rude et rugueux, à l’image des deux personnages masculins. Prose non dénuée de poésie, ou plutôt d’une sourde douleur voire de révolte (“On dit que l’amour rend aveugle et que le désespoir de ne pas être aimé coupe plus certainement qu'une larme de cutter : ce n’est donc pas anodin si mes larmes laissaient derrière elles de longues traînées rouges”), elle porte aussi (et on aime) des jugements sur le monde, mêlés ainsi en cela aux références de Mao, St Jean, Nietzsche et d’autres... Dont Lavoisier, transformé en “Dans la vie, rien ne se crée, rien ne se transforme. Tout se perd”.

2 commentaires:

  1. Très bel article. J'ai seulement lu LES AMANTS DU N'IMPORTE QUOI, mais les extraits de son premier roman me donnent très envie de revenir en arrière.

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