Remarqué par son premier roman « Un petit boulot », un récit mordant, drôle et bien mené, Iain Levison, romancier américain, né en Ecosse, publiait en 2007 une variation sur le même thème : le récit de la multitude de petits jobs qu’il a dû effectuer pour survivre. Cet habitué de l’élastique social qui a connu aussi bien « les taudis écossais » que « les plus riches quartiers américains » retrace ici son parcours de travailleur itinérant… Après les Intellectuels précaires, les mcjobs de la génération X ou des jeunes diplômés (« Le petit grain de café », « On vous rappellera », "Dans la vraie vie", "Les tribulations d'une caissière", la BD "Moi vivant, vous n’aurez jamais de pause ! ou comment j’ai cru devenir libraire"), il nous livre sa vision (se voulant) caustique et un brin désabusée du monde du travail et du déclassement. Malheureusement répétitive et pesante…
C’est l’histoire d’un type, il cherche un emploi. Alors il enchaîne petits boulots et missions d’interim. Et puis il trouve une mission en Alaska mais c’est très dur et il se fait exploiter. Donc il rentre et il recommence à chercher du boulot. Voilà.
On pourrait s’arrêter là pour parler de ce petit bouquin de Iain Levison. Je n’y ai pas trouvé grand-chose de plus, malheureusement. Dès la lecture du titre de cet ouvrage, on peut d’emblée craindre la répétition et, donc, à un moment donné : l’ennui... Ce fut le cas, à plusieurs reprises. J’ai des qualités certaines de devin. Peut-être étais-je aussi fatigué ; on doit toujours être, lorsque l’on part en voyage, frais et dispos. Mea culpa. Maxima… Pourtant, j’avais bien aimé Les Tribulations d’un chinois en Chine. Le film adapté d’un roman de Jules Verne et dont Jean-Paul Belmondo était l’acteur principal… J’avais beaucoup ri. Mais avec ce livre de Iain Levison, point du tout. Non, toutes les tribulations ne se passent pas en Chine, elles peuvent être américaines. Non, le mot « tribulation » est cocasse, mais ce n’est qu’un leurre. Le livre de Iain Levison est grave, pesant et m’a gavé, dans tous les sens du terme. J’évoquais son titre, débrouillons cela : c’est un titre pléonasme, très redondant puisque la précarité engendre des (més)aventures et que la tribulation génère la précarité. N’est-il pas vrai ? Cercle vicieux et désespérant.
L’intrigue ? Le narrateur Iain cherche un travail et l’on comprend, dès les premières lignes, que ce n’est pas simple :« C’est dimanche matin et j’épluche les offres d’emploi. J’y trouve deux catégories de boulots : ceux pour lesquels je ne suis pas qualifié, et ceux dont je ne veux pas. J’étudie les deux. » Et 177 pages plus loin, on peut lire le dernier paragraphe de ce livre comme un écho : « je me munis des petites annonces du dimanche, d’une tasse de café, et je m’assois à côté du téléphone. » Plus que des tribulations, c’est un embourbement. Et l’on se demande qui prier pour briser ces épreuves.
La quatrième de couverture nous renseigne bien sur cette litanie douteuse : « Au cours des dix dernières années, j’ai eu quarante-deux emplois dans six Etats différents. J’en ai laissé tomber trente, on m’a viré de neuf, quant aux trois autres, ç’a été un peu confus. Sans m’en rendre compte, je suis devenu un travailleur itinérant, une version moderne du Tom Joad des Raisins de la colère. A une différence près. Tom n’avait pas fichu quarante mille dollars en l’air pour obtenir une licence de lettres. » Parce qu’en plus le narrateur a une licence de lettres, ce qui n’arrange rien. C’est peut-être même pire, d’ailleurs :
« Je suis inclassable pour la moitié du monde, et l’autre moitié ne m’intéresse pas. Ils auraient dû nous en dire quelques mots le jour de la remise des diplômes au lieu de nous raconter que nous étions l’avenir du monde, la lumière blablabla. En réalité je n’ai pas assisté à la remise des diplômes parce que je m‘étais fait baiser (…) Le fait est qu’à la fin de ma troisième année, quand les chasseurs de têtes étaient venus recruter, je n’avais pas vu une seule annonce portant la mention « licence de lettres exigée ».
Georges Bernanos a raison de dire, dans La France contre les robots, qu’un « monde gagné par la technique est perdu pour la liberté ». Le labeur est déshumanisé et la seule liberté est exposée dans cette question lancinante d’une entreprise de démarchage pour des filtres à eau, aux mœurs qui n’ont rien à envier aux sectes religieuses, : « Cela vous donne-t-il la liberté financière dont vous avez besoin ? » Car la liberté est, paraît-il, financière...
Suite de la chronique sur le post suivant...
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