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jeudi 23 juillet 2009

Pierre Mac Orlan et "L "Ancre de Miséricorde"



1777. Brest la Belle (c’est moi qui l’ajoute). Yves-Marie Morgat, adolescent de 16 ans, élève brillant destiné à une carrière militaire, rêve d’embarquer. En vivant dans une ville portuaire, rien d’improbable, me direz-vous, et pourtant… Son père est réticent et son ami, le chirurgien Jérôme Burnst, le lui déconseille vivement : « l’aventure est une duperie et un danger pour les âmes les mieux trempées, je suis l’interprète de plus de quarante années d’expérience. » Le personnage qui déclenche l’action est ce fameux pirate Petit-Cadet, paraît-il mort, mais dont la possible proximité alimente soudainement les rumeurs. Yves-Marie, ou Petit-Morgat, aide un bagnard avec qui il s’était lié d’amitié à s’évader, sous prétexte que ce dernier l’assure de son innocence et lui demande de l’aider à se venger… contre Petit-Cadet.

Pierre Mac Orlan, que je n’avais jamais lu, à écrit un livre d’initiation avec la nostalgie de L’Ile au trésor et le souvenir de L’Etrange Cas du Dr Jekyll et Mr Hyde de Stevenson. Petit-Morgat a ce mélange de naïveté et d’exaltation qui est propre à la jeunesse, mais il est aussi obéissant voire craintif. Personnage qui ne va pas au bout de lui-même, qui s’arrête, peut-être, à l’endroit où le risque est le point de non-retour. Prise en compte de la réalité ou poltronnerie ? Sagesse ou résignation ?... Mac Orlan publie son récit en 1941, à presque soixante ans et deux guerres quasiment derrière lui. C’est un livre finalement plus profond que romanesque, où la connaissance de l’homme et de ses errements, ses masques, ses trahisons, nous amène logiquement à lire ceci :

« L’affection des hommes est une monnaie rare qui ne sort pas souvent de leurs bourses. Il faut des circonstances peu communes pour qu’ils en fassent le don ou l’échange. Ne tombe point, cependant, dans la misanthropie. Aime les hommes, mais garde toujours la main sur la poignée de ton épée quand tu ne les connais pas. Un jugement ne doit jamais partir du cœur sans avoir été contrôlé par l’expérience. »

L’écriture de Pierre Mac Orlan est intéressante, même si je me demande comment Victor Hugo aurait écrit sur ce canevas. Quelque chose de plus saisissant, sans doute. On aurait dû pleurer, à la fin, comme pour Quatrevingt treize. En même temps, il n’aurait sans doute pas écrit sur ce canevas, car ce dernier a le souffle coupé… Si le monde de la piraterie existe bien en 1777 et au siècle suivant, le XX ème siècle n’est plus celui de la piraterie. C’est la fin d’un monde, la fin de l’aventure. Le début d’une barbarie froide, à grande échelle, contrôlée... Nul doute que L’Ancre de la Miséricorde, au titre d’ex-voto, n’en porte la blessure.


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