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samedi 9 mai 2009

Martin Page : "Peut-être une histoire d'amour"


Chronique publiée sur BUZZ... littéraire, le 9 octobre 2008,
suivie d'une critique de Laurence Biava

     J’ai envie de commencer cette chronique par l’entame du traité de Martin Page, De la pluie : « La pluie est le mot de passe de ceux qui ont le goût pour une certaine suspension du monde. Dire que l’on aime la pluie, c’est affirmer une différence. » Martin Page aime la pluie. Les personnages de ses livres sont des gouttes d’eau traumatisées par leur chute et irisées de lumière. Et c’est somme toute leur inadéquation à la rigidité du monde et leur refus des stratégies de domination qui permettent le rire, cette tendresse insolente. En effet, du livre culte (Comment je suis devenu stupide) paru en 2001 à celui de la rentrée littéraire 2008 (Peut-être une histoire d’amour), tous ses ouvrages portent la marque d’une impertinence mêlée de gravité, d’une indécision généreuse que la littérature se doit de présenter sans cesse. Entrer en littérature n’est rien d’autre que s’aventurer dans cette frange humaine, trop humaine… 

     Dans Peut-être une histoire d’amour, un personnage nommé Virgile goûte à l’esprit d’aventure et se rend compte qu’il est vivant (ce n’est pas moi qui commente, c’est le personnage qui le dit). Tiens donc !? Il y a un air de déjà lu. Martin Page se répèterait-il ? Non, pas vraiment ; ou, plutôt, pas exactement ! Il développe ce qui fonde son écriture, son besoin d’écrire. Il explore les facettes de cet émerveillement déjà rencontré dans Comment je suis devenu stupide et dont le tragique d’Une parfaite journée parfaite constitue la face sombre. Ici, une innovation de taille : la mystérieuse Clara. C’est la grande absente du récit. Une inconnue se signale sur le répondeur de Virgile et lui annonce que tout est fini entre eux. Ça peut surprendre plus d’un célibataire, quand même ! Surtout s’il suit une thérapie. Virgile, qui veut à tout prix faire rimer son bonheur avec ce qu’il croit être la normalité, annonce alors à sa psychanalyste qu’il a « un accident avec la réalité ». Ce qui n’est pas tout à fait vrai puisque cette réalité, cette histoire d’amour, n’a jamais existé. Plus tard, cette psychanalyste le renverra à ses angoisses en lui assénant : « Vous voyez la folie partout. Cela vous évite de vous confronter à la complexité ». Cette complexité approuvée, tout sera alors bien plus simple pour lui. 

     La démarche de Martin Page est, en fin de compte, d’installer ce qui est irréel dans le quotidien du personnage, de fonder par ce renversement notre appétit de vivre sur ce qui est a priori impossible. Le personnage de Clara, cette femme qui semble fuir Virgile, est comme l’effraie du poète Philippe Jaccottet, cet oiseau qui symbolise la poésie et son appel. Ce désamour merveilleux, puisqu'il s’agit d’une rupture imaginée incroyable, est donc chargé d’une poésie qui demande à être poursuivie et accrochée au palmarès de Virgile. Clara la mystérieuse déclenche cette histoire et la prolonge bien après la dernière ligne lue, puisqu’elle permet le commandement suivant : « J’ai passé ma vie à éviter les ennuis, le résultat est catastrophique. Pourquoi ne pas, pour une fois, prendre des risques ? » Virgile a bien raison, c’est la seule solution pour sortir des Enfers. Il a aidé Dante, il peut bien commencer à se rendre service…  Peut-être une histoire d’amour  est peut-être le livre le plus limpide et le plus abouti de Martin Page.

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