Je me demande tout de même l’effet qu’a dû produire Le Sang des promesses à Avignon. Tous les avis sont unanimes, mais ils ne suffiront pas à décrire ce qui fut ressenti. On peut vaguement le pressentir, en avoir peur, après avoir assisté à la trilogie, de Littoral à Forêts, dans la même journée. Car Wajdi Mouawad est un grand metteur en scène et un grand auteur. Un homme de théâtre qui nous parle de nous, de nos guerres et de nos espoirs, en mêlant étroitement l’intime et l’universalité, comme Shakespeare ou Racine. Un grand, vous dis-je.
A vrai dire, ses pièces demandent le recueillement. Applaudir ? Oui, c’est sûr, mais après, ensuite. Ne pas retourner à cette réalité, tout de suite, ne pas considérer ces pièces comme un spectacle. Pour juste revenir à la réalité, empli d’une force et d’une conscience plus accrue de notre monde. Car Wajdi Mouawad nous parle du monde, de nos destins, de nos liens, de nos liens brisés, de ces liens qu’on porte et qu’on transmet à notre tour, déchirures sans cesses recousues. La guerre ? Laquelle ? Une : celle du Liban, celle du Moyen-orient, celle du Vingtième siècle. Celle des hommes entre eux. Longue chaîne ininterrompue qui a à elle-même sa propre histoire.
L’art pour dire et contrer cette volonté de guerre. Pour dire de manière aussi effroyable et si belle ce qu’elle est. Jets de couleur, de peinture, du rouge, du vert, du bleu, des lianes, des monstres, une vanité, l’amour. Du rire, parce que la vie est ainsi faite. Le rire et la joie ne sont là que pour mieux dire les tragédies et les ratés. Et permettre un choc esthétique renouvelé sans cesse et dont la résonance n’aura pas de fin. Il est des rencontres qui tombent à point nommé. Celle-ci aurait eu lieu, de toute manière. Rater un seul de ses futurs spectacles ne me semble pas envisageable. Et les voir ne suffiront pas à pouvoir les dire, car comment faire le tri raisonné, ensuite, de ce qui vibre et s’étend et se propage encore.
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