présentation de Vincent Delecroix, publiée en partie sur le BUZZ... littéraire
Il y a des choses qui ne s’expliquent pas ou des choses qui, expliquées, deviennent ridicules. Laissons ce ridicule de côté et disons simplement que j’ai découvert Vincent Delecroix grâce à ma curiosité pour Sören Kierkegaard, philosophe danois du XIX ème siècle. Ce qui est sans doute la chose la plus intéressante à écrire quand il s’agit de parler de Vincent Delecroix. La plus singulière, certes, mais la plus banale aussi : là-dessus, il n’y a plus de mystère ou de surprise, comme on le lira bientôt.
Publiant avec vigueur depuis 2003 et son Retour à Bruxelles, Vincent Delecroix ne cesse en effet d’écrire dans le compagnonnage de Sören Kierkegaard, mais moins dans son ombre, cependant, que dans l’imitation d’une philosophie qui existe plus efficacement dans un style littéraire et dont il nous parle, d’ailleurs, avec clarté, dans Singulière philosophie : essai sur Kierkegaard. Dans cet exercice, Vincent Delecroix, en commentant la démarche de Sören Kierkegaard, nous éclaire sur sa propre démarche littéraire. Leurs thèmes sont sans doute proches : l’amour, Dieu, mais surtout l’irréductible solitude, cette solitude d’autant plus éprouvée qu’on prend conscience de notre existence qui se forme, devient singulière (ou « idiote », au sens grec du terme : qui est particulière)… Que cela soit dans ses monologues de La preuve de l’existence de Dieu (2004), dans ses romans A la porte (2004) - remarquablement mis en scène par Marcel Bluwal, dans une pièce jouée par Michel Aumont, en 2008, et qui est depuis en tournée en province -, ou Ce qui est perdu (2006). Et évidemment dans La chaussure sur le toit, publié en 2007 et réédité en poche, récemment, ce qui est tout à la fois une bonne nouvelle et gage d’un bon accueil critique. Réédition qui redouble la présence de Vincent Delecroix sur la scène littéraire, en ce moment, puisqu’il a publié l’essai Tombeau pour Achille, en octobre 2008. J’ai fait le tour – ou presque.
Vincent Delecroix enseigne la philosophie de la religion, rédige des essais et écrit des ouvrages littéraires, ce qui revient un peu au même : je pense à Montaigne. Or, connaissant la « profession » de Vincent Delecroix, fallait-il que je m’attende, en le lisant, retrouver la force philosophique de Voltaire, Sartre ou Camus ? C’est ce que ma naïveté demandait au mot si prometteur de « philosophe ». Pauvre de moi... Une fois passée cette frustration, il m’est apparu que Vincent Delecroix prend tout à la fois Sören Kierkegaard comme un des principes narratifs de ses récits, comme le philosophe qu’il essaye de rendre accessible à la foule et comme modèle qu’il imite non seulement dans la forme littéraire des « voix », par exemple, mais aussi dans cette propension à exister davantage, à creuser sa différence, avec la littérature. Ce qui n’a rien à voir avec les systèmes littéraires de Voltaire ou de Sartre, plus définitifs que fuyants… Tout est là. Montaigne vous dis-je.
Son dernier roman, La chaussure sur le toit, diffère du précédent, Ce qui est perdu, parce que le travail a porté non « autour de multiples emboîtements, d’une imbrication de voix, de temporalités », mais « sur la topographie, en architecturant le récit comme un espace ». Grâce à ce travail, Vincent Delecroix a été en lice pour le Goncourt des lycéens 2007 et a reçu le prix Valéry Larbaud attribué à un auteur, à un roman, qu’aurait apprécié Valérie Larbaud. Ce prix, plus que le Goncourt par exemple, serait d’ailleurs une bonne piste que je ne prendrais cependant pas, maintenant, pour établir ou tenter des correspondances, trouver des échos ou une famille littéraire à Vincent Delecroix... Encore que je n’y crois guère. Ça serait plus un leurre qu’autre chose : pour un écrivain en général, pour Vincent Delecroix en particulier — en raison de cet irréductible éloignement que son œuvre propose. Car lui, au moins, il fait œuvre. J’en suis de plus en plus convaincu.
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